Trente et un chevaux vont être retirés à leur propriétaire, un Suisse alémanique établi depuis des années dans un petit village de Saône-et-Loire, en France, à moins de deux heures de Genève. Telle est la décision prise par le Tribunal correctionnel de Chalon-sur-Saône, il y a quelques jours. Le sexagénaire est aussi condamné à un an de prison ferme et à des amendes pour diverses infractions (mauvais traitement sur animaux, détention de bêtes non identifiées, manque de nourriture ou d’abreuvement, etc.).
Les juges français lui ont interdit, à vie, de détenir des chevaux. Il devra aussi s’acquitter de 1000 euros de dédommagements pour le Refuge de Darwyn, partie civile dans cette affaire, et qui va donc devoir récupérer tous les chevaux. Où Anouk Thibaud, la fondatrice du refuge, va-t-elle pouvoir mettre tous ces animaux? La justice française ne s’en soucie guère. Son refuge de Sézenove, dans la campagne genevoise, affiche déjà complet. Et l’antenne française de la fondation ne possède que quelques places de l’autre côté de la frontière. Anouk Thibaud ne le cache pas: elle en a un peu assez d’être «la bouée de secours des services vétérinaires» qui s’adressent à elle lorsqu’ils ont sous-estimé la gravité de la situation, comme un propriétaire atteint du syndrome de Noé, par exemple. «Je parle de Darwyn mais aussi d’autres associations. En Suisse ou en France, l’État ne nous verse aucune subvention, et c’est pourtant à nous de prendre ces chevaux avec les frais qui vont avec! Et rares sont les directions départementales ou les services cantonaux vétérinaires qui nous dédommagent pour les frais de base.»
Pour pouvoir transporter et faire vivre, soigner, donner à manger pendant un an les trente et un équidés dont elle a «hérité», Anouk Thibaud a demandé 65 000 euros. Les services vétérinaires français ont demandé une ligne de crédit. Tout le monde attend la réponse.
Jument agonisante
En attendant, les chevaux restent là où ils sont, dans ce petit village de 1900 habitants où les membres du Refuge de Darwyn ont mis les pieds pour la première fois en 2008, déjà, pour une première dénonciation pour maltraitance. En 2013, dix-sept chevaux (sur trente-cinq) sont séquestrés sur décision de justice. Ils atterrissent chez Darwyn à Sédeilles, une antenne du canton de Vaud. Le Suisse alémanique, lui, est condamné à 6 mois de prison avec sursis. Cela ne l’arrête pas; il continue de prendre des chevaux chez lui.
En mars de cette année, un nouveau cas est signalé à Darwyn: une jument agonisante dans un pré, dans un état lamentable. Elle a été euthanasiée sur ordre de la direction départementale de la protection des populations. Darwyn avait déposé une plainte et s’était constitué partie civile.
«La bataille aura été longue, par moments usante, mais après toutes ces années, justice a enfin été rendue!» constate Anouk Thibaud qui aimerait bien trouver un grand terrain pour accueillir ses protégés. «J’espère que le milieu du cheval, les professionnels, les propriétaires d’écuries vont aussi se mobiliser pour nous aider, en prenant par exemple un cheval, le temps de le remettre en état et que nous puissions lui trouver une place. Ce serait un bel exemple pour tous que ce séquestre soit une mobilisation générale.» À bon entendeur! (Le Matin)